
Des silhouettes fantasmatiques dans un décor onirique. photo R. Boutillier/ville d’Arles.
Et soudain, sous un ciel miraculeusement apaisé, les Alyscamps se sont embrasés. Le mercredi 30 mai 2018, la maison de mode italienne Gucci a présenté son défilé croisière dans le site des Alyscamps. Sur la promenade habillée de miroirs, de candélabres et d’effets pyrotechniques signés du Groupe F, une centaine de mannequins, hommes et femmes, ont donné corps à l’univers imaginé par Alessandro Michele, le directeur de la création de la marque de luxe. Sur le « catwalk » (la piste ou le podium où défilent les mannequins), se succèdent les voiles de robes aériennes ou les amples manteaux damassés, les paillettes, les imprimés à carreaux, et des croix qui viennent orner les cous longilignes et les plastrons chamarrés… Des silhouettes fantasmagoriques qui incarnent « une beauté liée à l’au-delà  » selon le créateur. L’ambiance, soulignée par les chants religieux, les tambours et les hululements de chouettes, évoque une nature reliée aux « forces de l’esprit ».

photo R. Boutillier/ville d’Arles.
Autour des mannequins, tout le monde de la mode, les journalistes, les blogueurs, les « influenceurs » qui font et défont une réputation à coup de photos publiées sur Instagram, venus pour beaucoup de Chine et d’Asie, avaient pris place sur les bancs-miroirs. On s’interpelait et s’émerveillait en anglais, en italien, en chinois, en coréen… Au milieu de cette foule baroque et barrée, cosmopolite et sympathique, quelques Arlésiens, la reine d’Arles et l’une de ses demoiselles d’honneur, le sous-préfet et son épouse, Clément Trouche, l’historien de la mode et du costume, et Christian Lacroix. Mais les regards cherchaient davantage, il faut le reconnaître, les personnalités qui se pressent à ce genre de manifestations. Ce soir-là à Arles, c’était Elton John (qui a donné ensuite un concert pour quelques privilégiés), Lou Doillon, Inna Modja, Chiara Mastroianni, Amanda Lear, l’actrice italienne Valeria Golino, et François-Henri Pinault (pdg du groupe Kering, propriétaire de Gucci) et son épouse l’actrice et productrice Salma Hayek. Mais aussi Kai, star coréenne de la chanson, attendu par de nombreuses fans.
Une retransmission en direct

Les enfants qui ont participé aux ateliers Du fil au défilé durant toute la semaine étaient invités, avec leurs familles, à assister à la projection du défilé. photo F. Gardin/ville d’Arles.
A quelques mètres du défilé, quatre-cents Arlésiens étaient invités à suivre la manifestation sur un écran géant, dans la cour des Forges, au parc des Ateliers. Organisée par Luma, cette soirée, à laquelle participait le maire d’Arles, Hervé Schiavetti, a clos en beauté une semaine d’ateliers autour des métiers de la mode. Luma Arles, en collaboration avec la Ville et ANTI_FASHION a accueilli, du 22 au 30 mai, 200 participants (écoliers et public des centres sociaux) pour les faire découvrir quelques métiers de la mode. Leurs réalisations étaient d’ailleurs présentées lors la soirée.

photo F.Gardin/ville d’Arles.
L’aura des Alyscamps et l’aura de Gucci
Une collection croisière, c’était à l’origine (dans les années 20) une ligne de vêtements destinée à une clientèle fortunée qui partait chercher le soleil pendant l’hiver. Aujourd’hui, c’est une collection de mi-saison, avec l’objectif de donner un second souffle aux ventes et de remettre les marques sur le devant de la scène entre les présentations des collections automne-hiver et printemps-été. Depuis quelques années, les créateurs rivalisent d’imagination pour penser ces défilés comme de véritables shows, organisés dans des sites insolites, qui donnent à ces manifestations une aura particulière. Si Dior a choisi le château de Chantilly, Louis Vuitton la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, Alessandro Michele a jeté son dévolu sur les Alyscamps, site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, après avoir découvert le site l’été dernier lors d’une visite privée. La maison Gucci a d’ailleurs souhaité apporter son soutien financier à la Ville, à hauteur de 250 000 euros, pour la restauration et la mise en valeur de son patrimoine. Pour la Ville, l’accueil d’une telle manifestation a aussi d’autres retombées. L’organisation du défilé, nécessitant la présence de décorateurs, mannequins, maquilleurs, agents de sécurités, chauffeurs, pendant plusieurs jours sur place, a eu aussi un effet bénéfique pour le commerce arlésien. Mais c’est aussi un impact positif en terme d’image : depuis quelques jours, le nom d’Arles circule de blogs en blogs, dans la presse magazine et spécialisée du monde entier, et est associé à cet univers du luxe.

photo R. Boutillier/ville d’Arles.