Daniel Cohn-Bendit accueilli par Sam Stourdzé au théâtre antique. Photo R. Boutillier/ville d’Arles.

Le légendaire William Klein, à qui la foule a souhaité un bon anniversaire. photo R. Boutillier/ville d’Arles.

Une soirée mémorable. La deuxième « Nuit de la photographie » organisée par les Rencontres d’Arles au théâtre antique le 5 juillet a laissé un souvenir fort aux très nombreux spectateurs – le théâtre antique affichait d’ailleurs complet. Il y a eu d’abord cet hommage, plein d’humour, au photographe William Klein, qui lui-même n’a pas manqué d’en faire preuve. A 90 ans, il a déploré « ne plus avoir les jambes de M’bappé! »

Puis il y a eu cette rencontre avec Daniel Cohn-Bendit. Un exercice inédit pour l’homme politique franco-allemand, incarnation de Mai 68, qui à partir d’une sélection de photos, certaines extrêmement célèbres, a raconté un peu de son histoire, expliqué ses engagements et commenté le pouvoir des images.

Une soirée qui a pris aussi un tour inattendu, quand le musicien Rodolphe Burger a interprété « Sympathy for the devil » des Rolling Stones (tube de 1968). Daniel Cohn-Bendit a alors réussi à entraîner la foule sur le parvis du théâtre pour terminer la soirée en dansant. Accompagné du réalisateur Romain Goupil, avec qui il vient de réaliser le film « La traversée », il nous a livré ses impressions, quelques instants après avoir quitté le théâtre antique, tard dans la nuit.

Comment est née l’idée de cette soirée ?

C’était marrant, non ? C’était la première fois que je faisais ça. Sam Stourdzé m’avait proposé d’évoquer Mai 68 en images. J’ai refusé comme j’ai refusé de participer à toutes les commémorations de mai 68. J’ai proposé plutôt d’évoquer les événements que j’ai connus, que j’ai parfois vécus. J’ai choisi certaines images, comme celle du ghetto de Varsovie, qui signifie beaucoup dans ma construction. D’autres m’ont été proposées. Certaines manquent : Helmut Kohl et François Mitterrand main dans la main à Douaumont pour sceller l’amitié franco-allemande, celles de la guerre en Bosnie, d’autres évoquant la pensée de la philosophe Hannah Arendt…

Etiez-vous déjà venus à Arles ?

Oui, il y a deux ans, justement pour voir les Rencontres de la photo. Je me souviens de l’exposition sur les western camarguais. Quelle ville vivante!

Comme ce cliché de Nick Ut, des photos de la guerre du Vietnam ont contribué à mobiliser l’opinion publique américaine contre l’intervention de leur pays au Vietnam. photo R. Boutillier/ville d’Arles.

Vous avez évoqué le pouvoir des images, notamment celles de la guerre du Vietnam qui ont contribué à mobilisé l’opinion publique américaine et à faire perdre la guerre « de l’intérieur ». Estimez-vous que les photos peuvent avoir encore la même influence aujourd’hui ?

Oui, la photo du petit Aylan Kurdi sur la plage de Bodrum a bouleversé le monde et a sans doute joué aussi dans la décision d’Angela Merkel d’ouvrir les frontières de l’Allemagne aux migrants en septembre 2015. La photo de Mossoul ravagée nous fait comprendre que ses habitant n’ont pas d’autre choix que de la fuir. Mais ces photos qui nous ouvrent les yeux nous font aussi prendre conscience de notre impuissance face à cette crise. Du coup, on préfère ne pas les voir. Si aujourd’hui, on montrait la situation des réfugiés syriens en Lybie, quelle serait notre réaction ? Cela accentuerait-il notre sentiment d’impuissance et du coup notre immobilisme ?