Culture / Patrimoine, Personnalités, Vie locale

La disparition de Jean-Paul Capitani, l’infatigable entrepreneur

Publié par saries le


Une pensée singulière. Une pensée qui se transformait en mille projets, qu’il n’hésitait pas à mettre en œuvre lui-même, truelle à la main. Une pensée enfin, qui l’amenait à vouloir partager les talents dénichés, les urgences climatiques, la photographie, l’éducation, l’agriculture et bien sûr, les livres.

Tel était Jean-Paul Capitani, disparu brutalement mardi 4 avril, lors d’un accident de vélo, rue Jean-Jaurès.

A 78 ans, ce nâtif d’Arles débordait toujours d’énergie. Celle-là même qui lui a fait créer le Méjan, sa librairie, son cinéma et la chapelle où se tiennent les expositions sans cesse renouvelées. Le Méjan, ancienne laiterie de ses parents, est aussi intimement lié à son amour fusionnel avec Françoise Nyssen, à l’aube de la création d’Actes Sud, il y a 40 ans. Un amour qui verra naître deux enfants et qui emmènera le duo à installer la maison d’édition fondée par Hubert Nyssen, sur les rives du Rhône, avec le succès que l’on sait.

Partager, encore partager

Ingénieur agronome de formation, passionné d’œnologie (et de vin bio), Jean-Paul Capitani avait sa ville chevillée au corps. Attentif, avec des colères aussi explosives que brèves et sans doute, un joli grain de folie dans son obstination, il avait convaincu notamment Lee Ufan de choisir Arles plutôt que New-York, pour installer sa fondation. Et cela faisait partie de ses talents : créer des lieux, les ouvrir au public et en faire très vite, des espaces de vie culturelle, prisés des Arlésiens. Ce fut le Méjan, c’est Croisière, et après le drame de la disparition de son fils, ce fut l’école le Domaine du Possible, sur ses terres à Mas-Thibert. Mais c’était aussi, le soutien aux Suds à Arles, aux écoles de musique, aux Rencontres d’Arles et à toute initiative culturelle pour laquelle il était sollicité.

Sagement, le couple avait choisi de passer en douceur, la main aux trois filles de la tribu : Anne-Sylvie Balmeule, Pauline Capitani et Julie Gautier, en septembre dernier. Pour lui, pas de retraite mais cette activité toujours aussi débordante de défricheur et de créateur.

Avec Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture, qui partageait les idées les plus belles comme les plus folles, il avait créé le festival « Agir pour le vivant », conscient de l’urgence de changer les codes d’une société consumériste et menacée. Il en était un acteur majeur, porté par cette pensée qui l’emmenait toujours plus loin, dans la réflexion et l’attention à toutes les expressions de la culture.

Dans son communiqué, Patrick de Carolis a salué en ce défenseur du développement culturel, intellectuel et moral, « l’héritier des humanistes  (..) Je mesure déjà l’immense vide que sa disparition laisse à Arles, sa ville natale pour laquelle il a tant investi. Un vide que ressentent déjà les éditions Actes-Sud, pour le Domaine du Possible, le public de l’association du Méjan, les festivals-partenaires, ou encore l’espace Croisière (..) »

Mais on retiendra aussi, les yeux de l’homme qui s’éclairaient brusquement à l’idée d’un projet, à l’occasion d’une rencontre amicale ou d’une discussion. Sous les mèches folles, devenues blanches, ce regard croisait avec une infinie tendresse et autant de complicité, celui de la compagne d’une vie. C’est à elle, Françoise Nyssen, à leurs enfants, à leurs proches, à tous ceux qui l’ont aimé, que la Ville adresse ses plus sincères condoléances et ses pensées les plus amicales.

Photo à la Une : P. Praliaud – Ville d’Arles